jeudi 24 mai 2007

 

Le sacre de Pauline première

La tragi-comédie qui s'est déroulée au cours des deux dernières semaines au sein du Parti québécois a fait ressortir tout ce qu'il y a de plus pourri dans la politique bourgeoise. Magouilles de toutes sortes -- et pas toujours honnêtes! -- dans le dos du chef, dans le but d'obtenir sa reddition; manœuvres de bas étage de la part de celui qui souhaitait devenir calife à la place du calife afin d'imposer son propre "couronnement"; ralliement insensé de tout ce beau monde à celle qui apparaît à première vue comme la plus susceptible de sauver un parti moribond; couronnement de cette dernière sans débat ni discussion: bref, le PQ nous a donné un exemple édifiant de ce que la politique-spectacle bourgeoise peut avoir de plus lamentable.

Selon toute vraisemblance, Pauline Marois se verra offrir la direction du PQ sur un plateau d'argent; chose certaine, l'exécutif du parti, dirigé par la "syndicaliste et progressiste" Monique Richard, y travaille de pied ferme et fera tout en son pouvoir pour décourager quelque adversaire potentielLE à celle qui deviendra la première reine du PQ.

Celle que les membres du parti ont massivement rejetée il y a à peine 18 mois arrive donc comme une nouvelle messie et impose ses conditions: sous sa gouverne, le PQ devra se soumettre et "s'adapter aux nouvelles réalités". Au diable l'article premier de son programme qui prévoit la tenue d'un référendum sur la souveraineté le plus rapidement possible dès l'élection d'un gouvernement péquiste! Fini le discours "social-démocrate" traditionnel qui se prétend attaché à "l'État-providence"! Contre toute attente, tout le monde se rallie derrière "Pauline" et achète cette nouvelle orientation, sans aucune dissidence!

Y compris les ténors de la "gauche indépendantiste", qui traquaient André Boisclair systématiquement et à qui ils n'ont jamais permis de s'éloigner d'un iota du programme du parti. Le chef du Bloc québécois et ex-marxiste-léniniste Gilles Duceppe, qui s'est vu administrer un cours accéléré de "Politique 101" au cours du dernier week-end; son leader parlementaire Pierre Paquette, ex-syndicaliste et trotskiste jamais repenti; les dirigeants du "club politique SPQ-libre", Marc Laviolette et Pierre Dubuc, qui font de plus en plus figure de "Laurel et Hardy" de la gauche nationaliste: tout ce beau monde a soudainement découvert des vertus à la stratégie des "conditions gagnantes" de Lucien Bouchard (reprise en d'autres mots par Marois) et à la "modernisation de la social-démocratie" manière Tony Blair, que la nouvelle cheffe a annoncée en grande pompe.

À « écouter » avec l’accent approprié : « C’est nécessaire pour toi, Gilles, de rester à Ottawa : mon gouvernement a encore besoin de ton appui! »

De toute évidence, Pauline Marois a choisi de jouer dans les plates-bandes de l'Action démocratique de Mario Dumont. Elle flirte déjà avec le discours "autonomiste" (un éventuel gouvernement péquiste tenterait "d'arracher de nouveaux pouvoirs" au gouvernement fédéral); elle se présente comme une championne de la "classe moyenne" et du "parler vrai"; elle reprend la thèse numéro un défendue par les organisations patronales, à l'effet qu'il faut "d'abord créer la richesse avant de penser à la redistribuer" (elle qui se disait pourtant "plus proche des solidaires que des lucides" lors de la dernière course au leadership du PQ à l'automne 2005); elle se prononce pour le dégel des frais de scolarité universitaires, alors que son parti sort à peine d'une campagne électorale dans laquelle il s'est engagé formellement à s'y opposer! En quelques minutes à peine, Pauline Marois aura réussi, dans les faits, à modifier sensiblement le programme du PQ et à faire avaler cette couleuvre à tout son entourage -- c'est un de ces revirements dont seule la politique bourgeoise a le secret...

"L'effet Marois" (dont on verra bien le temps que ça durera) semble même avoir porté au-delà des rangs du PQ. Ainsi, la direction bicéphale du parti Québec solidaire n'a pas osé dénoncer celle qui fut pourtant au cœur de l'élaboration et l'application des politiques de l'État bourgeois québécois au cours des 25 dernières années (coupures dans l'aide sociale, développement des politiques de "cheap labor" et de travaux forcés pour les pauvres, démantèlement du système de santé suite à l'application de la fameuse politique du "déficit zéro" par le gouvernement Bouchard dont elle a fait partie, etc. -- la liste est longue des mesures anti-populaires dont Pauline Marois est responsable): sans doute Québec solidaire craint-il l'effritement de sa propre base électorale, déjà ténue, à la faveur de la "paulino-manie"? Même le Parti communiste du Québec (celui dirigé par André Parizeau) semble avoir été pris de court, lui qui n'a rien trouvé de mieux que d'afficher, en manchette sur son site Web, un "dossier de presse" accompagné de la biographie de la nouvelle cheffe péquiste!

La politique bourgeoise étant ce qu'elle est (i.e. axée sur l'image et la "saveur" du moment), à première vue, la nomination de Pauline Marois semble donc une bonne affaire pour le PQ. À plus long terme toutefois, elle ne vient régler aucun des problèmes que l'effondrement électoral récent de ce parti a mis en lumière.

Contrairement à ce que certains ont voulu croire, la dégringolade du PQ ne tient pas tant au fait d'avoir choisi André Boisclair comme chef en novembre 2005, qu'à l'élection du gouvernement Harper deux mois plus tard à Ottawa. Celle-ci a changé la donne politique au Canada; elle contraint le PQ et le mouvement souverainiste à revoir leur orientation de fond en comble. À quoi le projet indépendantiste correspond-il dans la configuration actuelle des classes au Canada? En d'autres termes, de quoi la bourgeoisie nationale québécoise a-t-elle besoin pour achever et consolider son intégration dans l'ensemble impérialiste canadien? Comment se fait-il que le Québec soit à la fois si près et si loin de la souveraineté? Cette contradiction, qu'un Bernard Landry a parfois évoquée, le PQ n'a jamais vraiment voulu y répondre.

Du point de vue des travailleurs et travailleuses, il est d'ores et déjà évident qu'il n'y a rien à attendre du PQ et de sa nouvelle leader. Le PQ n'a jamais été une alternative pour les ouvrières et ouvriers, et il l'est encore moins aujourd'hui.

Au mieux, tout ce qu'on peut espérer, c'est que Pauline Marois se lance dans un de ces "grands chantiers" dont le PQ a le secret et qu'elle propose de subventionner l'installation de "toilettes silencieuses" dans nos logements... Car c'est vrai que c'est tout un problème, ça, que d'entendre constamment le bruit de la chasse d'eau! Ah! la misère des riches...

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Article paru dans Arsenal-express, nº 139, le 20 mai 2007.
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Commentaires:
Quel beau torchon du Parti Contre Révolutionnaire
 
Tu accepte pas la vérité ?
 
Pourquoi est-ce que tu considère cela comme un torchon ?
 
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