mercredi 6 juin 2007

 

L’apartheid de la santé

Nous avons trouvé un article fort intéressant traitant du système de santé "mixe" (ou à deux vitesse) au Québec. Voici l'article :
Les dommages collatéraux d’un système de santé mixte

Le budget libéral de Monique Jérôme-Forget annonce la mutilation prochaine de notre système de santé public par l’entremise du groupe de travail présidé par Claude Castonguay, défenseur reconnu d’une mixité public-privé. L’idée du privé en santé, martelée depuis maintenant plusieurs années, semble avoir fait son bout de chemin dans la population et chez la plupart de nos partis politiques. Pourtant, ce système bipolaire s’annonce dans les faits extrêmement nocif.

La valse-hésitation autour de l’adoption du budget Jérôme-Forget ne minimise aucunement le virage philosophique de nos classes dirigeantes ainsi que le soutien d’une part grandissante de la population à cette nouvelle direction. D’ailleurs, les critiques émises par les partis d’opposition sur le budget ne portaient pas sur l’apport du privé dans ce domaine. Mais alors que le leitmotiv de ce service essentiel a toujours été la gratuité et l’universalité de l’accès, voilà que le docteur Ronald Dutil, président de la FMOQ (Fédération des médecins omnipraticiens du Québec), déclare, en commentant la mise sur pied de la commission, que le « principe qui nous est cher » est « l’accès raisonnable garanti pour tous » (Le Devoir, 25 mai 2007). Revirement subtil mais peu banal, qui évoque bien le changement de cap. Cette intégration du privé se conçoit actuellement de différentes façons plus ou moins brutales, mais avec son pied dans le cadre de porte, le but visé à moyen terme est sans aucun doute l’implantation d’un système parallèle privé.

Ce système parallèle payant modifie le rapport « service – patient » en un rapport « marchandise – client », mais où la marchandise doit concurrencer avec un service gratuit à priori identique (soigner les maladies, les blessures). Pour attirer d’éventuels clients, le privé doit donc offrir une valeur ajoutée par rapport au public, justifiant le coût à défrayer. Celle-ci ne peut se limiter à une salle d’attente plus confortable et à des revues plus récentes, même si une petite partie de l’élite se contenterait de ce système exclusif qui marque la différence, étant inaccessible à la « plèbe ».

Non, pour séduire à plus grande échelle, il faut au privé une réelle valeur ajoutée, significative et convaincante. Celle-ci, dit-on souvent, serait la rapidité d’accès, permettant aux nantis de court-circuiter les longues listes d’attente du public. Du même souffle, les apôtres du privé en santé nous assurent que les listes d’attente du public seraient ainsi désengorgées, et les civières dans les corridors ne seraient plus qu’un mauvais souvenir. Un genre de bénéfice collatéral. Admettons que ce soit le cas - bien que le personnel qualifié disponible pour traiter les patients ne se multipliera pas par magie -, si les listes d’attente du public redeviennent raisonnables, qui voudra continuer à payer pour un service qu’il peut avoir gratuitement, rapidement, et dans le respect de son intimité – et qu’il finance de toute façon par ses impôts ? Il faudrait, pour éviter le retour du balancier, qu’un certain nombre de patients s’auto-pénalisent en demeurant clients du privé. Voilà qui serait étonnant, outre le groupuscule élitiste préalablement identifié, lorsqu’on sait que les classes moyennes et aisées montent aux barricades dès lors que le compte de taxe augmente de quelques dollars !

C’est dire qu’il doit y avoir une autre valeur ajoutée pour que le privé puisse continuer à attirer sa clientèle après l’atteinte (promise) de l’équilibre dans les listes d’attente et dans le rapport lits-patients. Puisqu’on exclut le confort superficiel et le délai de traitement (et des agréments de marketing du style voyage à Cuba à gagner après deux pontages), il reste la qualité du traitement, soit par des instruments plus récents, plus efficaces, et par le recrutement agressif du personnel plus qualifié. Sur ce dernier point, les partisans du système mixte nous assurent que le personnel ne serait pas soustrait totalement du système public, bien qu’on puisse en douter sur le long terme et conserver une certaine méfiance à cet égard, mais néanmoins, si le patient peut voir le même personnel gratuitement ou en payant, il ne reste à toute fin pratique que le matériel médical pour faire la différence. Or, pour que cette valeur ajoutée soit maintenue de façon permanente, le service public doit nécessairement rester une coche en dessous du privé.

Il semble évident que ce qui se discute et ce qui se construit, c’est l’introduction du système de classes capitaliste dans les services de santé. Une marchandise de meilleure qualité pour les clients qui peuvent se le payer, un service de moindre qualité pour les patients à faible revenu. On peut craindre, dans un système mixte souhaité par le gouvernement même, la déresponsabilisation de l’État, qui se traduirait en coupures dans le public, ne sentant plus le besoin, la pression populaire, de relever ou même de maintenir son système. Pour un parti qui souhaite l’apport du privé, faire tout en son possible pour maintenir le public au même niveau de qualité équivaut à tuer le privé, donc à se tirer dans le pied !

Si on récapitule, partant du fait que le système privé doit pouvoir justifier son coût, l’argument du délai d’attente – ses adeptes l’admettent indirectement – en est un temporaire. La qualité du traitement doit donc y être supérieure. Ce qui revient à avouer que le système public, dans ce contexte, est condamné à en être un de second ordre. Le pire, c’est que pendant que le gouvernement baisse les impôts et réfléchit à la manière d’intégrer le privé, il laisse dépérir le système public, attisant la grogne dans la population et la préparant ainsi à un accueil favorable au système mixte. Cet argent et cette réflexion devraient plutôt être mis en synergie pour rehausser ce système de santé universel et gratuit, service essentiel s’il en est un.
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Commentaires:
Prise 2 du gouvernement Menem en Argentine. Ils ont tellement vendu le privé, qu'après les `lections, comme prévu, les citoyens en demandaient! Ils ont été "brainwashés" sur les réalités de ce système, crissement injuste et iréaliste. Vous pouvez aller voir les résultats des systèmes privés...
 
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